Travail dissimulé : l'importance de comptabiliser tous les temps de travail des conducteurs
L'arrêt rendu par la Cour d’appel de Bourges le 21 mars 2025 rappelle une exigence fondamentale du droit du travail : la transparence dans la comptabilisation des heures de travail effectif, notamment pour les conducteurs routiers. Un employeur qui omet volontairement d’enregistrer certaines périodes de travail s’expose à une condamnation pour travail dissimulé, avec toutes les conséquences financières que cela implique.
Dans cette affaire, un salarié avait saisi la juridiction prud’homale pour obtenir un rappel de salaire et une indemnité pour travail dissimulé. Il faisait valoir que, depuis que la prise en main des camions s’effectuait sur la base logistique (et non plus au siège), une partie de ses trajets et tâches préparatoires n’était plus rémunérée ni comptabilisée.
La Cour d’appel confirme la position du conseil de prud’hommes. Elle condamne l’employeur à verser au salarié les sommes réclamées, soulignant que ce dernier devait réaliser des tâches précises avant et après sa tournée (notamment des dépôts de documents au siège), sans que celles-ci ne soient prises en compte sur les bulletins de paie.
La juridiction rappelle les principes suivants :
- Le temps de trajet n’est pas systématiquement exclu du temps de travail. Lorsque le salarié est placé sous l’autorité de l’employeur pendant ce trajet, il peut s’agir de temps de travail effectif (CJUE, 18 janv. 2001, n° C-297/99 ; Cass. soc., 15 janv. 2025, n° 23-14.765).
- Le lieu de prise en charge du véhicule est essentiel pour déterminer la nature du trajet : s’il ne correspond ni au domicile du salarié ni au centre d’exploitation, il peut être requalifié comme temps de travail.
- L'absence de contestation des faits par l’employeur (tâches réalisées et trajets effectués) constitue une reconnaissance implicite de leur réalité.
Le manquement constaté ici révèle une volonté délibérée de dissimuler une partie des heures travaillées. L’article L8221-5 du Code du travail définit en effet le travail dissimulé comme la dissimulation volontaire d’emploi salarié, notamment par l'omission de déclarer tout ou partie des heures réellement effectuées.
En conséquence, le salarié a obtenu :
- un rappel de salaire incluant les congés payés afférents ;
- une indemnité pour travail dissimulé.
Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante qui sanctionne sévèrement les pratiques consistant à sous-estimer ou omettre des temps de travail, surtout lorsqu’elles concernent des périodes clairement identifiées et récurrentes.
À retenir : tout employeur doit veiller à comptabiliser avec précision l’ensemble des temps de travail, y compris les trajets imposés dans des conditions spécifiques. À défaut, il s’expose à des condamnations pour travail dissimulé, avec des conséquences financières et juridiques importantes.